12 juillet 1998. « Et un, et deux, et trois zéro ! ». La foule
en liesse se répand dans les rues. Sourire aux lèvres, bras levé,
drapeau au vent, le groupe d’hommes juchés sur une Renault 21 se mêle à
l’effervescence générale. L’image des jeunes Tamouls célébrant l’équipe
tricolore pourrait se lire comme le symbole d’une intégration par le
sport. Mais l’esthétique noire et blanche de la photographie, à revers
de cette lecture consensuelle de la victoire, arrache l’image à son
contexte immédiat et appelle un imaginaire de lutte ou de résistance
populaire. Alors que ces jeunes fêtent la victoire sportive, nombre de
leurs semblables restés au Sri Lanka combattent dans les rangs de la
guérilla séparatiste. Face aux violences d’un pouvoir nationaliste, la
jeunesse tamoule a massivement embrassé la cause indépendantiste.
Image de lutte ou d’intégration, l’ambivalence du cliché éclaire sur la place du ballon rond dans la diaspora tamoule. À contre-pied du sport spectacle, le foot de la diaspora est populaire et engagé. Dans les années 1990 et 2000, une myriade de clubs associatifs voit le jour. Comme leur nom en témoigne, ces équipes revendiquent une culture militante : à Cergy, Akkini (« phénix ») fait ainsi écho à la résilience de la lutte tamoule. Nallur à Stains ou Trinco à Londres portent les noms de localités tamoules, tandis que le CS Eelavar de Paris fait référence au Tamil Eelam, le pays tamoul. Ces clubs se rencontrent lors de la Maaveerar Cup, la coupe des héros, hommage aux combattants tombés durant les trois décennies de guerre. Contrairement à leurs parents qui s’adonnaient au cricket, les enfants de la diaspora ont opté pour le ballon rond. Mais loin d’être le reflet d’une simple acculturation aux pratiques du pays d’accueil, le football est alors un terrain d’expression politique. Plus de vingt ans après la défaite de la guérilla et les massacres qui ont suivi, il permet à la jeunesse de s’approprier un héritage révolutionnaire et d’affirmer son identité diasporique. Il s’inscrit dans la tradition du football subversif des équipes ouvrières des banlieues rouges de l’entre-deux-guerres.
Image de lutte ou d’intégration, l’ambivalence du cliché éclaire sur la place du ballon rond dans la diaspora tamoule. À contre-pied du sport spectacle, le foot de la diaspora est populaire et engagé. Dans les années 1990 et 2000, une myriade de clubs associatifs voit le jour. Comme leur nom en témoigne, ces équipes revendiquent une culture militante : à Cergy, Akkini (« phénix ») fait ainsi écho à la résilience de la lutte tamoule. Nallur à Stains ou Trinco à Londres portent les noms de localités tamoules, tandis que le CS Eelavar de Paris fait référence au Tamil Eelam, le pays tamoul. Ces clubs se rencontrent lors de la Maaveerar Cup, la coupe des héros, hommage aux combattants tombés durant les trois décennies de guerre. Contrairement à leurs parents qui s’adonnaient au cricket, les enfants de la diaspora ont opté pour le ballon rond. Mais loin d’être le reflet d’une simple acculturation aux pratiques du pays d’accueil, le football est alors un terrain d’expression politique. Plus de vingt ans après la défaite de la guérilla et les massacres qui ont suivi, il permet à la jeunesse de s’approprier un héritage révolutionnaire et d’affirmer son identité diasporique. Il s’inscrit dans la tradition du football subversif des équipes ouvrières des banlieues rouges de l’entre-deux-guerres.
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